Cession de parties communes spéciales : compétence de l’assemblée spéciale

Posté le 20 juin 2022

Après que la loi dites 3DS (L. n° 2022-217 du 21 févr. 2022 ; Y. Rouquet, Mise en conformité des règlements de copropriété : nouvelle préconisation du GRECCO, Dalloz actualité, 11 mai 2022 ; P.-E Lagraulet, Loi 3DS et mise en conformité des règlements de copropriété, AJDI 2022. 347 ) ait apporté des éclaircissements sur la mise en conformité des règlements de copropriété à l’égard, notamment, des lots transitoires et des parties communes spéciales, c’est au tour du juge d’intervenir au sujet de ces dernières en s’attachant aux modalités procédurales de leur cession.

Au sein d’une copropriété comprenant trois bâtiments constituant autant des parties communes spéciales, l’assemblée générale de tous les copropriétaires avait autorisé la cession à l’un d’entre eux d’une surface déterminée des parties communes spéciales d’un des bâtiments correspondant à une partie du couloir située au droit de son appartement.

Contestant la capacité de cette assemblée générale à se prononcer sur l’aliénation de cet espace, des copropriétaires du bâtiment concerné par la vente assignèrent le syndicat en annulation de cette résolution.

Il est en effet acquis que les parties communes spéciales sont la propriété indivise de certains copropriétaires seulement. Si cette attribution résulte aujourd’hui clairement de l’article 6-2 de la loi du 10 juillet 1965, tel qu’introduit par la loi ELAN de 2018 (L. n° 2018-1021, 23 nov. 2018), il ne fait aucun doute qu’elle préexistait à ce texte de telle sorte qu’il est à cet égard indifférent que la résolution critiquée date de 2016. Cela est sans incidence sur la solution (Civ. 3e, 21 févr. 1978, n° 76-14.288, Rev. loyers 1978. 271 ; Paris, 6 sept. 1996, RDI 1996. 609, obs. Giverdon , précisant que « les autres copropriétaires n’ont aucun droit de propriété indivis sur cette partie [spéciale] d’immeuble » ; Civ. 3e, 19 nov. 2014, n° 13-18.925, Dalloz actualité, 8 déc. 2014, obs. N. Le Rudulier ; D. 2014. 2409 ). Seule demeurait discutée la question de savoir s’il convenait de réunir une assemblée spéciale ou de spécialiser les votes à l’occasion d’une assemblée générale. A cette interrogation, l’actuel article 6-2 de la loi de 1965 répond désormais que les deux sont possibles.

Dès lors, si la structure des parties communes spéciales est identifiée de longue date, comment comprendre la solution de la cour d’appel qui a considéré que seule une assemblée générale de tous les copropriétaires était apte à se prononcer sur la cession du couloir appartenant pourtant uniquement aux copropriétaires du seul bâtiment concerné par l’opération ? Parce que si la cession est bien une opération interne, les conséquences de celle-ci se répercutent au-delà du seul bâtiment. L’accroissement du lot privatif de l’acquéreur par l’adjonction de ce qui était jusque-là une partie commune va non seulement modifier ses droits spéciaux, mais également ses tantièmes à l’égard de l’ensemble de la copropriété. Une modification du règlement et de l’état descriptif de division est nécessaire. Or celle-ci doit passer par une assemblée de tous les copropriétaires. La cour d’appel refuse d’envisager deux votes séparés en considérant qu’une telle « distinction, qui ne résulte d’aucune disposition légale ou réglementaire, fait dépendre le vote de l’assemblée générale de la décision de l’assemblée restreinte ».

Pour autant, c’est bien la direction que semble indiquer la Cour de cassation en censurant l’arrêt déféré au motif « que seuls les propriétaires des parties communes spéciales peuvent décider de l’aliénation de celles-ci ».

L’objet de la spécialisation est bien d’assurer l’hégémonie d’un groupe de copropriétaires sur certains espaces. Il s’agit bien d’une réservation, et ce faisant d’une exclusion, qui serait effectivement contredite par la reconnaissance de l’intervention de l’assemblée générale de tous les copropriétaires dans la cession d’une partie commune spéciale.

Reste que l’assemblée générale de tous les copropriétaires est bien la seule compétente pour procéder à la demande de modification du règlement et de l’état descriptif de division. Son éventuelle opposition devrait, nous semble-t-il, pouvoir être surmontée par la saisine du juge devant lequel pourrait être plaidé l’abus de majorité dès lors qu’aucun motif légitime ne saurait fonder cette opposition.

 

Par Nicolas Le Rudulier

Civ. 3e, 1er juin 2022, FS-B, n° 21-16.232

© Lefebvre Dalloz

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