Conformité des articles L. 631-7, alinéa 6, et L. 631-7-1 du CCH à la directive Services

Posté le 4 mars 2021

La Cour de cassation vient de rendre une série d’arrêts attendus qui vont permettre à de nombreuses procédures suspendues à une question préjudicielle de reprendre leur cours.

 

Rappelons qu’en 2018, la Cour de cassation a renvoyé à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) une question préjudicielle relative au dispositif d’encadrement des locations en meublés touristiques (Civ. 3e, 15 nov. 2018, nos 17-26.156 et 17-26.158, Dalloz actualité, 30 nov. 2018, obs. C. Dreveau ; AJDA 2018. 2273 ; D. 2019. 415, note C. Maréchal-Pollaud-Dulian ; ibid. 1129, obs. N. Damas ; ibid. 1358, chron. A.-L. Collomp, C. Corbel, L. Jariel et V. Georget ; JT 2019, n° 217, p. 10, obs. X. Delpech). Le 22 septembre 2020, la CJUE a tranché en faveur de la conformité des dispositions de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation avec compatibilité avec la directive Services (CJUE 22 sept. 2020, aff. C-724/18, Dalloz actualité, 30 oct. 2020, obs. M. Ghiglino ; AJDA 2020. 1759 ; D. 2020. 1838 ; ibid. 2262, obs. J. Larrieu, C. Le Stanc et P. Tréfigny ; JT 2020, n° 234, p. 11, obs. X. Delpech).

La Cour de cassation, qui avait sursis à statuer dans cette attente, vient d’en tirer les conséquences dans trois affaires (n° 17-26156, préc. ; Civ. 3e, 24 sept. 2020, n° 18-22.142, Dalloz actualité, 30 oct. 2020, obs. C. Dreveau ; D. 2020. 1889 ; 28 mai 2000, n° 19-13.191, AJDA 2021. 423).

Conformité de la législation nationale et de la réglementation de la Ville de Paris

Dans le sillage de la CJUE, la Cour de cassation valide la conformité du dispositif français à la directive Services, tant dans son principe – autorisation préalable – que dans ses modalités.

Elle relève que le régime d’autorisation instauré par du code de la construction et de l’habitation est justifié par une raison impérieuse d’intérêt général tenant à la lutte contre la pénurie de logements destinés à la location et proportionnée à l’objectif poursuivi en ce qu’il ne peut pas être réalisé par une mesure moins contraignante. Par ailleurs, l’article L. 631-7, alinéa 6, répond aux exigences de clarté, d’objectivité et de non-ambiguïté.

Puis, la haute juridiction valide en particulier la réglementation telle que mise en œuvre par la Ville de Paris. Notamment, elle estime que l’obligation de compensation est proportionnée à l’objectif poursuivi. Le dispositif est suffisamment clair et précis pour éviter les risques d’arbitraire par les autorités locales. Les séances du conseil municipal étant affichés en mairie et mis en ligne sur le site internet de la commune, les conditions d’octroi des autorisations répondent aux exigences de publicité préalable, de transparence et d’accessibilité.

Les locations en meublés pour de courtes durées sont donc valablement encadrées.

Notion de location de courte durée

Dans l’un des arrêts (pourvoi n° 19-13.191), la Cour de cassation précise également que la notion de location de « courte durée » répond à des critères précis que ne sont pas susceptibles d’être interprétés par les juges du fond. Elle censure la cour d’appel pour avoir estimé que la location pour une durée de quatre et six mois à une société pour y loger le même salarié ne constituait pas des locations de courte durée au sens de l’article L. 631-7 du CCH. Le fait de louer à plus d’une reprise au cours d’une même année un local meublé pour une durée inférieure à un an, telle qu’une location à la nuitée, à la semaine ou au moins à une clientèle de passage qui n’y fixe pas sa résidence principale constitue un changement d’usage prohibé. Seules quelques hypothèses prévues par la loi doivent être exceptées : celle dans laquelle le bailleur loue sa résidence principale pour une période qui ne peut excéder quatre mois ; les locations consenties à des étudiants pour une durée d’au moins neuf mois et, depuis l’entrée en vigueur de la loi du 23 novembre 2018, la conclusion d’un bail mobilité d’une durée d’un à dix mois (L. 6 juill. 1989 mod., art. 25-12 à 25-18).

Preuve de l’affectation du bien

L’une des affaires est également l’occasion de rappeler ses exigences en matière de preuve de l’affection initiale.

Au sens de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation, un local est réputé à usage d’habitation s’il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970. Il appartient à l’administration d’établir le changement d’usage prohibé, c’est-à-dire tant les locations illicites que l’affectation primitive du local à l’habitation à cette date. Le 1er janvier 1970 correspond à la dernière révision foncière, à l’occasion de laquelle les propriétaires ont eu à remplir une déclaration dite H2 relative à la consistance et l’usage de leur bien. Il s’agit d’une date de référence unique.

C’est sur ce dernier point que plusieurs procédures ont achoppé faute de démonstration de l’usage d’habitation au 1er janvier 1970. La preuve d’une affectation de fait à cet usage postérieurement ou antérieurement à cette date est inopérante (Civ. 3e, 28 nov. 2019, nos 18-23.769 et 18-24.157, Dalloz actualité, 20 déc. 2019, obs. A. Cayol ; D. 2019. 2352 ; AJDI 2020. 206, obs. G. Daudré ; ibid. 165, point de vue J.-L. Seynaeve ; Rev. prat. rec. 2020. 31, chron. D. Gantschnig ; 28 mai 2020, n° 18-26.366, Dalloz actualité, 29 juin 2020, obs. C. Dreveau ; D. 2020. 1174 ; AJDI 2021. 128, obs. N. Damas). Elle s’en justifie au motif que « la solution inverse aurait conduit à remettre en cause le dispositif prévu par le législateur, qui a entendu fixer une date de référence unique » (Lettre de la troisième chambre civile, nov.-déc. 2020).

Dans l’arrêt commenté, la Cour de cassation confirme cette analyse. Elle reproche à la cour d’appel d’avoir retenu un changement d’usage prohibé sur la base d’un formulaire H2 rempli en 1978 sans établir que les renseignements qui y figurent sont de nature à établir l’usage d’habitation du bien au 1er janvier 1970. De même, l’absence de la mention de la réalisation de travaux depuis le 1er janvier 1970 dans le relevé cadastral ne suffit pas à démontrer cet usage à cette date.

 

Par Camille Dreveau

Source : Civ. 3e, 18 févr. 2021, FP-P, n° 19-11.462 ; Civ. 3e, 18 févr. 2021, FP-P, n° 19-13.191 ; Civ. 3e, 18 févr. 2021, FP-PR, n° 17-26.156.

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