De l’importance des clauses en matière de donation-cession de titres avec réserve d’usufruit

Posté le 25 mai 2021

Bref rappel préliminaire

L’avantage fiscal tiré d’une donation avant cession de titres, qui consiste pour les contribuables à donner des titres à des proches (généralement les enfants) avant leur cession à bref délai par les donataires, est désormais bien identifié.

Pour le calcul de la plus-value de cession, le prix de revient des titres est leur valeur au jour de la donation (CGI art. 150-0 D, 1).

La donation avant cession de titres permet ainsi de « purger » la plus-value latente et d’éluder le paiement de l’impôt sur le revenu (IR) et des prélèvements sociaux.

 

Qui est redevable de la plus-value de cession de titres démembrés ?

Lorsqu’il est procédé à une donation de titres avec réserve d’usufruit suivie de la cession simultanée de l’usufruit et de la nue-propriété des titres à un tiers, trois hypothèses doivent être distinguées (BOI-RPPM-PVBMI-20-10-20-60 n° 100).

En principe, le prix est réparti entre l’usufruitier et le nu-propriétaire selon la valeur respective des droits cédés, la cession étant susceptible de dégager deux plus-values imposables respectivement au nom de chacun des titulaires des droits démembrés (1e hypothèse).

Toutefois, les parties peuvent convenir d’une absence de répartition du prix de vente et :

·         soit d’une attribution intégrale du prix à l’usufruitier dans le cadre d’un quasi-usufruit, auquel cas une seule plus-value est imposable au nom de l’usufruitier (2e hypothèse) ;

·         soit d’un remploi du prix de vente dans des droits eux-mêmes démembrés, auquel cas une seule plus-value est imposable au nom du nu-propriétaire (3e hypothèse).

 

Les circonstances de l’affaire

Deux époux donnent à leurs enfants la nue-propriété de titres avec réserve d’usufruit, donation suivie 2 ans plus tard de la cession de titres dans le cadre d’une opération de rachat de ses propres titres par la société cédée.

La moitié du prix de cession est apportée à une SCI constituée entre les parents et leurs enfants, les intéressés se voyant attribuer, en contrepartie de leur apport, des parts sociales elles-mêmes démembrées.

Les deux époux donateurs considèrent, qu’en qualité d’usufruitiers, ils ne sont redevables d’aucune imposition sur la plus-value de cession, compte tenu de la clause de remploi figurant dans l’acte de donation (3e hypothèse).

À l’inverse, l’administration met à leur charge l’intégralité de la plus-value en leur qualité supposée de quasi-usufruitiers (2e hypothèse).

Dans un premier temps, le tribunal administratif donne raison à l’administration. Mais la cour administrative d’appel suit l’analyse des contribuables et annule le jugement du tribunal administratif.

 

La décision du Conseil d’État

Du caractère indifférent des circonstances postérieures à la cession…

La Haute Juridiction confirme l’analyse de la cour qui écarte la circonstance que le produit de la vente avait fait l’objet d’un remploi partiel pour déterminer le redevable de l’imposition de la plus-value.

En effet, c’est à la date du fait générateur, c’est-à-dire lors du transfert de propriété des titres, qu’il convient de se placer pour déterminer ce redevable : les circonstances postérieures à ce transfert sont indifférentes pour procéder à cette identification (CE 28-1-2019 n° 407305).

… au caractère déterminant des clauses (obligatoires) de l’acte de donation

Le Conseil d’État estime toutefois que la cour ne peut pas déduire de la clause de remploi du prix dans des droits démembrés figurant dans l’acte de donation le principe d’une imposition des nus-propriétaires, ce remploi présentant un caractère facultatif.

Un « pacte adjoint » signé postérieurement à la donation contient effectivement un engagement des nus-propriétaires à apporter à une SCI conjointement avec les donateurs une fraction des titres donnés. Toutefois, aucune stipulation de ce pacte ne définissait le « quantum » de cet apport. Cette indétermination de l’obligation de remploi faisait obstacle à l’imposition des nus-propriétaires à hauteur de la fraction des titres concernés par cet engagement.

En revanche, l’acte de donation donne aux donateurs un mandat exclusif pour gérer les fonds issus de la cession des titres, tout en interdisant aux nus-propriétaires, sauf accord exprès des usufruitiers, de demander un partage du prix de cession.

Les usufruitiers doivent donc être regardés comme redevables de l’intégralité de l’imposition de la plus-value en qualité de quasi-usufruitiers, conformément à l’analyse soutenue par l’administration.

  

Source : CE 9e-10e ch. 2-4-2021 n° 429187.

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