Déréférencement d’un site internet sur injonction de la DGCCRF : conforme à la Constitution !

Posté le 13 décembre 2022

Depuis la loi « DDADUE » du 3-12-2020 (C. consom. art. L 523-3-1), la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) dispose d’un pouvoir d’injonction numérique qui lui permet, après avoir constaté une infraction ou un manquement de la part d’un professionnel qui n’est pas identifiable ou qui refuse de déférer à une première injonction, d’ordonner directement à des tiers (moteur de recherche, magasin d’applications, fournisseur d’accès à internet ou gestionnaire de nom de domaine) qu’ils procèdent à l’affichage d’un avertissement sur le site ou sur l’application ou à un déréférencement, une restriction d’accès ou un blocage du nom de domaine.

En juillet 2021, la DGCCRF a enjoint à une société de cesser, dans un délai de 2 mois, de tromper les consommateurs sur la nature des produits commercialisés, sur les risques inhérents à leur utilisation et sur les contrôles effectués. Cette dernière n’ayant pas respecté l’injonction (de nombreux produits non conformes et dangereux similaires étaient toujours disponibles sur son site), la DGCCRF a alors enjoint aux principaux moteurs de recherche et magasins d’application (Google, Microsoft, Apple) de déréférencer le site et l’application de la société, ce qu’ils ont fait fin novembre 2021.

La société a alors contesté en justice le pouvoir d’injonction numérique de la DGCCRF, lequel a donné lieu à une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), transmise par le Conseil d’État au Conseil Constitutionnel.

Pour la société, les dispositions de la loi « DDADUE » permettant à la DGCCRF d’ordonner le déréférencement d’un site ou d’une application, sans autorisation d’un juge, ni limitation de temps, portaient une atteinte disproportionnée à la liberté d’expression et de communication et à la liberté d’entreprendre.

Pour le Conseil constitutionnel, le pouvoir d’injonction numérique de la DGCCRF est conforme à la Constitution et ne porte pas atteinte à la liberté d’expression et de communication. En adoptant une telle disposition, le législateur a en effet poursuivi un objectif d’intérêt général afin de renforcer la protection des consommateurs et d’assurer la loyauté des relations commerciales en ligne. Le Conseil constitutionnel a rappelé que seules les adresses électroniques des interfaces en ligne dont les contenus présentent un caractère manifestement illicite pouvaient faire l’objet d’un déréférencement. De plus, ces dispositions ne s’appliquent qu’après le constat d’infractions punies d’au moins 2 ans de prison et de nature à porter gravement atteinte à la loyauté des transactions ou à l’intérêt des consommateurs, et seulement si l’auteur de l’infraction n’a pas pu être identifié ou n’a pas déféré à une injonction de mise en conformité. Il a aussi rappelé la procédure contradictoire prévalant à l’injonction de mise en conformité, qui peut être contestée devant la justice, ainsi que le délai minimum de 48 heures s’imposant à l’administration avant d’ordonner un déréférencement, délai suffisant pour engager un éventuel référé devant un juge.

Concernant le grief fondé sur la liberté d’entreprendre, le Conseil constitutionnel l’a également rejeté, considérant que la liberté d’entreprendre pouvait être limitée au nom de l’intérêt général, d’autant que le déréférencement ordonné par l’administration n’empêche pas les exploitants des interfaces en ligne d’exercer leurs activités commerciales, leurs adresses demeurant directement accessibles en ligne.

Bon à savoir : depuis 2020, la DGCCRF a utilisé ce pouvoir d’injonction à 76 reprises, 25 fois pour restreindre l’accès et 50 fois pour bloquer un nom de domaine.

Cons. const. 21-10-2022 n° 2022-1016 QPC ; CE 22-7-2022 n° 459960 QPC

© Lefebvre Dalloz

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