Droit à congés payés des salariés en cas de maladie

Posté le 13 février 2024

Rappel. Par plusieurs arrêts du 13-9-2023, la Cour de cassation a jugé que :

– les dispositions de l’article L 3141-3 du Code du travail qui prévoient que le salarié a droit à un congé payé de 2,5 jours ouvrables par mois de travail effectif chez le même employeur n’étaient pas conformes au droit européen (Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne) et directive 2003/88/CE du 4-11-2023), car elles subordonnent à l’exécution d’un travail effectif l’acquisition de droits à congés payés par un salarié dont le contrat de travail est suspendu en raison d’un arrêt de travail pour maladie non professionnelle (Cass. soc. 13-9-2023 nos 22-17.340 à 22-17.342) ;
– les dispositions de l’article L 3141-5, 5° du Code du travail n’étaient pas non plus conformes au droit européen (Charte des droits fondamentaux de l’UE et directive 2003/88/CE du 4-11-2023), car elles limitent à une durée ininterrompue d’un an les périodes de suspension du contrat de travail pour accident du travail ou maladie professionnelle assimilées à du temps de travail effectif pendant lesquelles le salarié peut acquérir des droits à congés payés (Cass. soc. 13-9-2023 n° 22-17.638).

Rappel des principes du droit européen. En application de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (UE) (art. 31, § 2) et de la directive 2003/88/CE du 4-11-2023 (art. 7), la Cour de justice de l’Union Européenne (CJUE) considère que le droit à congé payé annuel n’est pas affecté en cas d’absence du salarié pour raisons de santé au cours de la période d’acquisition des congés payés, car le droit européen ne fait aucune distinction entre les salariés absents du travail en raison d’un congé de maladie (professionnelle ou non) pendant la période d’acquisition des congés payés et ceux ayant effectivement travaillé au cours de cette période (CJUE 20-1-2009 aff. C-350/06 et 24-1-2012 aff. C-282/10).

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 17-11-2023 par la Cour de cassation (chambre sociale, arrêt n° 2124 du 15-11-2023) d’une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité des articles L 3141-3 et L 3141-5, 5° du Code du travail aux droits et libertés garantis par la Constitution.

L’article L. 3141-3 du code du travail prévoit que le salarié a droit à un congé de 2,5 jours ouvrables par mois de travail effectif chez le même employeur. La durée totale du congé exigible ne peut excéder trente jours ouvrables. Le 5 ° de l’article L. 3141-5 du Code du travail prévoit que sont considérées comme des périodes de travail effectif pour la détermination de la durée du congé les périodes, dans la limite d’une durée ininterrompue d’un an, pendant lesquelles l’exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d’accident du travail ou de maladie professionnelle.

La requérante reprochait :

– aux articles L 3141-3 et L 3141-5, 5° du Code du travail de porter atteinte au droit à la santé et au droit au repos garantis par le 11e alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, car elles ont pour effet, d’une part, de priver le salarié, en cas d’absence pour cause de maladie non professionnelle, de tout droit à l’acquisition de congé payé pendant la période de suspension de son contrat de travail, et d’autre part, de limiter à un an la période prise en compte pour le calcul des congés payés d’un salarié absent pour cause d’accident du travail ou de maladie professionnelle.
– à l’article L 3141-5, 5° du Code du travail de méconnaître le principe d’égalité devant la loi, car en prévoyant que seuls les salariés absents pour cause d’accident du travail ou de maladie professionnelle acquièrent des droits à congé payé, elles instituent une différence de traitement injustifiée entre ces derniers et les salariés absents pour cause de maladie non professionnelle.

 Sur la méconnaissance du droit au repos. Le Conseil Constitutionnel a déclaré que ces dispositions du Code du travail ne portent pas atteinte au droit au repos garanti par la Constitution car le législateur a souhaité éviter que le salarié, victime d’un accident ou d’une maladie résultant de son activité professionnelle et entraînant la suspension de son contrat de travail, ne perde de surcroît tout droit à congé payé au cours de cette période. Au regard de cet objectif, il était loisible au législateur d’assimiler à des périodes de travail effectif les seules périodes d’absence du salarié pour cause d’accident du travail ou de maladie professionnelle, sans étendre le bénéfice d’une telle assimilation aux périodes d’absence pour cause de maladie non professionnelle. Il lui était également loisible de limiter cette mesure à une durée ininterrompue d’un an.

Sur la méconnaissance du principe d’égalité devant la loi. Le Conseil Constitutionnel a déclaré que l’article L 3141-5, 5° du Code du travail ne méconnaît pas le principe d’égalité devant la loi car le principe d’égalité garanti par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit. La maladie professionnelle et l’accident du travail, qui trouvent leur origine dans l’exécution même du contrat de travail, se distinguent des autres maladies ou accidents pouvant affecter le salarié. Ainsi, au regard de l’objet de la loi, le législateur a pu prévoir des règles différentes d’acquisition des droits à congé payé pour les salariés en arrêt maladie selon le motif de la suspension de leur contrat de travail. Dès lors, la différence de traitement résultant des dispositions contestées, qui est fondée sur une différence de situation, est en rapport avec l’objet de la loi.

Par conséquent, le Conseil Constitutionnel a jugé que les dispositions contestées, qui ne méconnaissent pas non plus le droit à la protection de la santé, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution.

Cependant si ses dispositions du Code du travail sont jugées conformes à la Constitution, elles restent contraires au droit européen comme l’a jugé la Cour de cassation dans ses arrêts du 13-9-2023.  C’est au législateur maintenant de prendre des dispositions pour mettre fin à cette situation d’insécurité juridique et financière dans laquelle se trouvent les employeurs. Restent également à clarifier le report des congés payés non pris avant un congé parental d’éducation et le point de départ de la prescription d’une demande d’indemnité de congés payés.

 

Sources : Conseil Constitutionnel, décision 2023-1079 QPC du 8-2-2024

© Lefebvre Dalloz

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