LFSS pour 2023 : fraude sociale et travail illégal

Posté le 10 janvier 2023

La LFSS pour 2023 comprend plusieurs mesures renforçant les moyens de lutte contre la fraude sociale et les infractions de travail illégal de la part des employeurs et visant à accroître la capacité des organismes sociaux à faire face aux fraudes complexes ou de grande ampleur.

Travail dissimulé : sanction de la solidarité financière du donneur d’ordre

Les sanctions encourues par les donneurs d’ordre en cas de manquement à leur obligation de vigilance sont modulées en fonction de la gravité du manquement. La LFSS pour 2023 prévoit que la première sanction du donneur d’ordre non vigilant soit différente de celle appliquée en cas de récidive (LFSS 2023 art. 6, I-A et VI).

Rappel. Le donneur d’ordre qui a recours à un sous-traitant est soumis à une obligation de vigilance pour tout contrat d’un montant d’au moins 5 000 € hors taxes (C. trav. art. L 8222-1 et R 8221-1) : lors de la conclusion du contrat et tous les 6 mois jusqu’à la fin de son exécution, il doit exiger du sous-traitant un document attestant de son immatriculation (extrait K bis ou carte répertoire des métiers)  et une attestation de vigilance, délivrée par l’Urssaf, qui mentionne le nombre de salariés et le total des rémunérations déclaré par le sous-traitant lors de sa dernière échéance et atteste son respect des obligations de déclaration et de paiement des charges sociales. À défaut de respecter son obligation de vigilance, le donneur d’ordre est tenu à une solidarité financière :

–  il est tenu de régler les impôts, taxes et cotisations obligatoires (pénalités et majorations comprises) dus par le sous-traitant, ainsi que les rémunérations, indemnités et autres charges dues par son sous-traitant pour l’emploi des travailleurs dissimulés ;
– le cas échéant, il doit rembourser les sommes correspondant au montant des aides publiques dont a bénéficié son sous-traitant (C. trav. art. L 8222-2).

De plus, l’Urssaf annule les exonérations et réductions de cotisations et contributions sociales dont a bénéficié le donneur d’ordre au titre des rémunérations versées à ses salariés sur toute la période pendant laquelle la situation de travail dissimulé a persisté. L’annulation s’applique pour chacun des mois au cours desquels l’obligation de vigilance n’a pas été respectée, sans que son montant global puisse excéder 15 000 € pour une personne physique et 75 000 € pour une personne morale (CSS art. L 133-4-5).

Pour une première sanction. À compter du 1-1-2023, si le donneur d’ordre n’a fait l’objet d’aucune annulation de réductions ou d’exonérations de cotisations ou contributions sociales au titre d’une sanction pour solidarité financière depuis 5 années, le montant des réductions ou exonérations de cotisations annulées reste plafonné à 15 000 € pour une personne physique et à 75 000 € pour une personne morale. Le plafond d’annulation des réductions ou exonérations de cotisations ou contributions sociales est même réduit si les montants du redressement de cotisations au titre de la solidarité financière sont inférieurs à 15 000 € pour une personne physique et à 75 000 € pour une personne morale (CSS art. L 133-4-5, II modifié).

En cas de récidive dans les 5 ans, ces plafonds d’annulation ne s’appliquent plus. Le montant de l’annulation des réductions ou des exonérations de cotisations ou contributions sociales dont a bénéficié le donneur d’ordre est fixé à hauteur du montant total des sommes dues à l’Urssaf (aux caisses de MSA pour le secteur agricole ou à la CGSS en outre-mer) au titre du redressement de cotisations pour solidarité financière.

Réduction des majorations de redressement en cas de règlement intégral sous 30 jours. En cas de constat d’une infraction de travail dissimulé transmis à l’Urssaf, le montant du redressement des cotisations et contributions sociales mis en recouvrement est majoré de 25 % ou de 40 % en cas d’emploi dissimulé d’un mineur soumis à l’obligation scolaire ou si le délit d’emploi dissimulé concerne plusieurs personnes ou une personne dont la vulnérabilité ou l’état de dépendance sont apparents ou connus de l’auteur ou si le délit a été commis en bande organisée (CSS art. L 243-7-7, I ; C. trav. art. L 8224-2).

Le sous-traitant contrôlé peut bénéficier d’une réduction de 10 points du taux des majorations de redressement pour travail dissimulé (sauf en cas de récidive dans les 5 ans) si, dans un délai de 30 jours à compter de la notification de la mise en demeure, il procède au règlement intégral des cotisations, pénalités et majorations de retard notifiées ou si, dans le même délai, il a présenté un plan d’échelonnement du paiement au directeur de l’organisme et que ce dernier l’a accepté (CSS art. L 243-7-7, II).

À compter du 1-1-2023, cette réduction de 10 points du taux des majorations de redressement pour travail dissimulé peut également bénéficier au donneur d’ordre solidairement responsable de son sous-traitant en cas de règlement dans les 30 jours à compter de la notification de la mise en demeure ou de la présentation d’un plan d’échelonnement des paiements dans ce même délai accepté par l’Urssaf. Cette réduction n’est pas applicable en cas de nouvelle constatation de travail dissimulé dans les 5 ans (LFSS 2023 art. 6, I-F et VI ; CSS art. L 243-7-7, II-al. 2 modifié).

Communication de renseignements par les tribunaux de commerce

À compter du 1-1-2023, les greffiers des tribunaux de commerce sont autorisés à communiquer, à titre gratuit, aux agents des organismes de protection sociale et de l’État des renseignements et documents recueillis dans l’exercice de leurs missions faisant présumer des fraudes commises en matière de cotisations et contributions sociales ou de prestations sociales ou des manœuvres ayant eu pour but de frauder ou de compromettre le recouvrement de cotisations et contributions sociales (LFSS 2023 art. 98, I-3° ; CSS art. L 114-16 modifié).

À noter. Cette mesure a pour but de permettre de détecter plus rapidement certaines fraudes commises via des « sociétés éphémères » (sociétés fictives créées pour servir de support à différents types de fraudes aux finances publiques), et donc d’être collectivement plus réactif dans le traitement de ces fraudes.

Élargissement du droit de communication des agents de l’Urssaf et de la MSA

Informations bancaires en cas de constat d’une infraction de travail dissimulé. À compter du 1-1-2023, le droit de communication de renseignements détenus par des personnes ou organismes tiers, notamment auprès des banques, est ouvert aux agents de l’Urssaf et de la MSA pour le recouvrement des créances nées après le constat d’une infraction de travail dissimulé. Ainsi, ces agents peuvent recueillir des informations sur les soldes des comptes bancaires détenus par les débiteurs pour connaître leur solvabilité, sans que leur soit opposé le secret professionnel (LFSS 2023 art. 98, I-7-a ; CSS art. L 114-19 modifié).

En pratique, ce droit de communication peut s’exercer quel que soit le support utilisé pour la conservation des documents et peut s’accompagner de la prise immédiate d’extraits et de copies. Les documents et informations sont communiqués à titre gratuit, par voie dématérialisée sur demande de l’agent chargé du contrôle ou du recouvrement, dans les 30 jours suivant la réception de la demande.

Cette mesure permet un alignement des règles applicables sur celles qui prévalent en matière fiscale concernant le recouvrement de l’impôt.

À noter. Désormais, le réseau des caisses de MSA est autorisé à procéder à l’interconnexion des données obtenues par le droit de communication non nominatif avec les données dont ce réseau dispose dans son système d’information. Les caisses de MSA bénéficient ainsi des mêmes capacités de détection de la fraude et de ciblage des contrôles de travail dissimulé que le réseau des Urssaf pour le régime général, en ayant la possibilité de croiser leurs données avec celles des plateformes numériques (LFSS 2023 art. 98, I-7-b ; CSS art. L 114-19 modifié).

Pouvoir d’enquête sur internet des agents de contrôle pour la recherche des infractions

À compter du 1-1-2023, certains agents de contrôle des organismes de la protection sociale et de l’inspection du travail sont dotés de moyens d’investigation plus adaptés à l’environnement numérique, et en particulier de pouvoirs d’enquête sous pseudonyme sur internet afin de pouvoir établir plus efficacement l’existence de fraudes toujours plus sophistiquées (LFSS 2023 art. 98, I-9°).

Des prérogatives de police judiciaire pour la recherche des infractions d’escroquerie, de faux et usage de faux. Les agents de contrôle de l’Urssaf et des caisses de la MSA, les agents de l’inspection du travail et les agents de Pôle emploi chargés de la prévention des fraudes, commissionnés par l’organisme qui les emploie, sont désormais habilités à rechercher et constater les infractions d’escroquerie et de fausses déclarations commises au moyen de communication électronique, lorsqu’elles sont de nature à porter préjudice aux organismes de protection sociale.

Ces agents ont, pour l’exercice de ces missions, compétence sur l’ensemble du territoire national. Les infractions sont constatées par des procès-verbaux, qui font foi jusqu’à preuve du contraire. Ces procès-verbaux sont transmis directement au procureur de la République (CSS art. L 114‑22‑3, I nouveau).

Mener des cyberenquêtes. Pour constater ces fraudes et infractions commises par communication électronique, et lorsque les nécessités de l’enquête le justifient, ces agents peuvent procéder sous pseudonyme aux actes suivants, sans être pénalement responsables :

– participer à des échanges électroniques, y compris avec les personnes susceptibles d’être les auteurs de ces infractions ;
– extraire ou conserver par ce moyen les données sur les personnes susceptibles d’être les auteurs de ces infractions et tout élément de preuve (CSS art. L 114‑22‑3, II nouveau).

Ces agents peuvent également :

– recueillir tout renseignement, toute justification et se faire remettre copie des documents de toute nature, quel que soit leur support et en quelques mains qu’ils se trouvent, nécessaires à l’accomplissement de leur mission ;
– si ces informations sont contenues sur un support informatisé, avoir accès aux logiciels et aux données stockées correspondants, ainsi qu’à la restitution en clair des informations propres à faciliter l’accomplissement de leur mission ;
– en demander la transcription par tout traitement approprié en des documents directement utilisables pour les besoins de leur mission (CSS art. L 114‑22‑3, III nouveau).

Procéder à des auditions. Ces agents peuvent aussi procéder, sur convocation ou sur place, aux auditions de toute personne susceptible d’apporter des éléments utiles à leurs constatations. Ils doivent en dresser un procès‑verbal comportant les questions auxquelles il est répondu. Les personnes entendues doivent procéder elles‑mêmes à sa lecture, peuvent y faire consigner leurs observations et y apposer leur signature (CSS art. L 114‑22‑3, IV nouveau).

Les modalités d’application de ces prérogatives seront fixées par un décret à venir.

Rechercher les infractions de travail illégal commises par communication électronique. Pour constater les seules infractions de travail illégal commises via un moyen de communication électronique à compter du 1-1-2023, les agents de contrôle de l’inspection du travail spécialement habilités à cet effet (dans des conditions précisées par arrêté conjoint du ministre de la justice et du ministre chargé du travail), les agents de contrôle des organismes de sécurité sociale et des caisses de MSA et les agents de Pôle emploi chargés de la prévention des fraudes peuvent procéder sous pseudonyme aux actes suivants,  sans être pénalement responsables :

– participer à des échanges électroniques, y compris avec les personnes susceptibles d’être les auteurs de ces infractions ;
– extraire ou conserver par ce moyen les données sur les personnes susceptibles d’être les auteurs de ces infractions et tout élément de preuve (LFSS 2023 art. 98, IV ; C. trav. art. L 8271-6-5 nouveau).

Sources : Loi 2022-1616 du 23-12-2022 de financement de la sécurité sociale pour 2023 art. 6 et 98, JO du 24 ; Conseil constitutionnel, décision n° 2022-845 DC du 20-12-2022, JO du 24.

© Lefebvre Dalloz

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