PLF 2024 : mise en œuvre du plan de lutte contre les fraudes

Posté le 5 octobre 2023

Renforcement du cadre juridique aux fraudes à la TVA face aux enjeux de l’économique numérique

L’article 19 du projet de loi propose 6 mesures visant à compléter le cadre juridique applicable aux fraudes à la TVA en l’adaptant aux enjeux de l’économie numérique.

Plusieurs aménagements seraient apportés au régime de TVA à l’importation (CGI art. 293 A) et à celui des ventes à distance de biens importés, notamment pour lutter contre la fraude à la TVA dans les opérations dites de « dropshipping », c’est-à-dire des ventes concernant des opérateurs dont la pratique commerciale consiste, pour un intermédiaire, à acheter un bien situé en territoire tiers et à le revendre en ligne en France sans jamais en disposer physiquement. Ainsi, il est envisagé de rendre les « dropshippers » redevables de la TVA à l’importation sur les ventes à distance de biens importés, sauf à ce qu’ils s’assurent que la TVA est perçue sur l’intégralité du prix du bien lors de l’importation.

De plus, à compter du 1-1-2025, l’article 19 du projet de loi prévoit la possibilité pour un assujetti établi en France d’autoliquider la TVA au nom et pour le compte de ses clients étrangers. Ainsi, par dérogation à l’obligation de désigner un représentant fiscal (CGI art. 289 A), l’assujetti non établi et non identifié en France peut désigner un ou plusieurs mandataires qui remplissent, au nom et pour le compte de cet assujetti, les obligations déclaratives, de paiement, de déduction, de remboursement et de tenue de registre ou d’états qui lui incombent, lorsque les seules opérations soumises à la TVA en France qu’il réalise sont les suivantes :

·        des importations pour lesquelles la TVA est intégralement déductible (CGI art. 271, II) ;

·        des opérations déterminées par décret portant sur des biens dans le cadre des échanges avec les territoires tiers et faisant l’objet d’une exonération ouvrant droit à déduction, d’une dispense de paiement ou d’une suspension de l’exigibilité (CGI art. 289 A bis nouveau).

Le mécanisme d’autoliquidation de la TVA (CGI art. 283) applicable aux transferts de garanties sur le marché de l’électricité et du gaz serait étendu aux opérations de cessions de certificats de garanties d’origine, de certificats de garanties de capacité et de certificats de production prévus dans le code de l’énergie afin de lutter contre les fraudes de type « carrousel ». À défaut de précision dans le texte, cette disposition s’appliquerait à compter du 1-1-2024.

Par ailleurs, un régime de sanctions gradué serait applicable à l’ensemble des fraudes aux aides publiques. Sous réserve des dispositions prévoyant des sanctions spécifiques, lorsque le bénéficiaire d’une aide publique l’aurait indûment obtenue en fournissant des informations inexactes et incomplètes, la somme à restituer serait assortie d’une majoration de 40 % en cas de manquement délibéré ou de 80 % en cas de manœuvres frauduleuses.

Une procédure de mise en conformité fiscale serait créée, assortie d’un mécanisme d’injonction au déréférencement ou à la restriction d’accès à des interfaces en ligne donnant accès à des sites internet d’entreprises se livrant, depuis un État situé hors de l’Union européenne, à des activités économiques sans acquitter la TVA exigible (LPF art. L 80 P nouveau). Ainsi, lorsqu’un assujetti à la TVA non établi dans l’Union européenne et fournissant des services par voie électronique par l’intermédiaire d’une interface en ligne ne déclare pas la TVA due en France, de manière répétée, ne s’en acquitte pas, des agents de l’administration fiscale ayant au moins le grade d’inspecteur des finances publiques, habilités, adressent à l’auteur de ces manquements une demande motivée de se conformer à ses obligations dans un délai de 30 jours. À défaut de réponse ou de mise en conformité à l’issue de ce délai, ces agents adressent à l’auteur des manquements une mise en demeure de se conformer à ses obligations dans un délai de 30 jours et l’informant des sanctions encourues.

À défaut de précision dans le texte, cette disposition s’appliquerait à compter du 1-1-2024.

Enfin, il est proposé de proroger, pour 2 ans, l’expérimentation prévue par l’article 154 de la loi de finances pour 2020 (loi 2019-1479 du 28-12-2019) autorisant les administrations fiscale et douanière à détecter la fraude fiscale par le biais de la collecte et de l’exploitation de certaines données des plateformes en ligne, dont les résultats sont prometteurs, et d’élargir son champ d’application, tant en termes de données collectées que de manquements visés.

Toujours dans un objectif de renforcement des moyens, les agents des finances publiques pourraient également procéder à des enquêtes actives sous pseudonyme sur des sites internet, réseaux sociaux et applications de messagerie (LPF art. L 10-0-AD nouveau).

En l’absence, dans le texte du projet, de disposition sur l’entrée en vigueur du dispositif de facturation électronique et de transmission de données, son report annoncé cet été par le Gouvernement devrait faire l’objet d’un amendement au cours de la discussion parlementaire.

Institution d’un délit de mise à disposition d’instruments de facilitation de la fraude fiscale

Les promoteurs de schémas ou de dispositifs fiscaux frauduleux ne peuvent actuellement être poursuivis qu’au cas par cas au titre de la fraude fiscale commise par chacun de leurs clients, alors même qu’ils peuvent apporter leur concours à de nombreux contribuables.

Pour renforcer l’efficacité et la rapidité de la lutte contre la fraude fiscale, l’article 20 du projet de loi propose de créer un délit autonome de mise à disposition d’instruments de facilitation de la fraude fiscale, visant les personnes physiques ou morales qui mettent notamment à la disposition de leurs clients des moyens, des services, des actes ou des instruments leur permettant de se soustraire à leurs obligations fiscales. Ce délit serait puni de 3 ans d’emprisonnement et d’une amende de 250 000 €. Les peines seraient portées à 5 ans d’emprisonnement et 500 000 € d’amende lorsque la mise à disposition serait commise en utilisant un service de communication au public en ligne (CGI art. 1744 nouveau).

Ces moyens, services, actes ou instruments consistent en :

·        l’ouverture de comptes ou la souscription de contrats auprès d’organismes établis à l’étranger ;

·        l’interposition de personnes physiques ou morales ou de tout organisme, fiducie ou institution comparable établis à l’étranger ;

·        la fourniture d’une fausse identité ou de faux documents au sens de l’article 441‑1 du code pénal, ou de toute autre falsification ;

·        la mise à disposition ou la justification d’une domiciliation fiscale fictive ou artificielle à l’étranger ;

·        la réalisation de toute autre manœuvre destinée à égarer l’administration.

À défaut de précision dans le texte, cette mesure devrait s’appliquer aux faits commis à compter du lendemain de la publication de la loi au Journal officiel.

Création d’une peine complémentaire de privation du droit au bénéfice de réductions et crédits d’impôt sur le revenu ou d’IFI

Actuellement, en cas de fraude fiscale aggravée, les sanctions pénales encourues sont une peine d’emprisonnement de 7 ans et une amende de 3 M€, ainsi que des peines complémentaires (CGI art. 1741, 2e à 8e al.).

Afin de renforcer l’exemplarité de la sanction pénale, l’article 21 du projet de loi propose de compléter les sanctions en mettant en place une peine complémentaire consistant en privation temporaire du droit à l’octroi de réductions ou crédits d’impôt sur le revenu ou d’impôt sur la fortune immobilière (IFI), pour une durée ne pouvant excéder 3 ans débutant à compter de l’imposition des revenus de l’année qui suit celle de la condamnation.

Les crédits d’impôts octroyés sur le fondement d’une convention internationale ayant pour objet l’élimination de la double imposition en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune seraient exclus du champ d’application de cette peine complémentaire.

À défaut de précision dans le texte, cette mesure devrait s’appliquer aux faits commis à compter du lendemain de la publication de la loi au Journal officiel.

Renforcement du contrôle des prix de transfert des multinationales

Les entreprises appartenant à des groupes économiques importants ont l’obligation d’élaborer une documentation particulière aux prix de transfert et d’en adresser une version allégée à l’administration au titre de chaque exercice (LPF art. L 13 AA).

Le seuil de déclenchement de l’obligation de présenter, en début de contrôle fiscal, une documentation complète de la politique de prix de transfert (LPF art. L 13 AA) passerait de 400 M€ à 150 M€. Le montant de l’amende pour défaut de présentation de cette documentation (CGI art. 1735 ter) serait porté de 10 000 € à 50 000 €. 

De plus, la documentation présentée serait opposable : ainsi, lorsque la méthode de détermination des prix de transfert s’écarte de celle prévue par la documentation mise à la disposition de l’administration par une personne morale, l’écart constaté entre le résultat et le montant qu’il aurait atteint si cette documentation avait été respectée serait présumé constituer un transfert de bénéfice, sauf si la personne morale démontre, par tous moyens, l’absence de transfert par voie de majoration ou de diminution des prix d’achat ou de vente.

Par ailleurs, une mesure spécifique de contrôle du prix de transfert des actifs ou droits incorporels difficiles à évaluer serait mise en place afin de permettre à l’administration, dans un délai de reprise de 6 ans, de tenir compte de résultats postérieurs à l’exercice au cours duquel a eu lieu la transaction pour rectifier la valeur de transfert retenue. Parallèlement, l’article 22 du projet de loi de finances pour 2024 créé une nouvelle exception à la garantie de non-renouvellement d’une vérification de comptabilité (LPF art. L 51) sur les opérations de transferts d’actifs incorporels afin de permettre à la DGFIP d’appliquer pleinement les règles définies à l’OCDE pour contrôler les prix de ces cessions.

L’abaissement du seuil de déclenchement de l’obligation documentaire s’appliquerait aux exercices ouverts à compter du 1-1-2024. À défaut de précision dans le texte, les autres dispositions entreraient en vigueur à compter du 1-1-2024.

Aménagement des modalités de réalisation des contrôles fiscaux

Pour rappel, les agents de l’administration fiscale vérifient sur place la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables. Il résulte de la jurisprudence (par ex : CE 10-12-1999 n° 201067 ; CE 29-3-1978 n° 4460 ; CE 5-6-1981 n° 20948 ; CE 22-4-1988 n° 46525) que le contrôle ne peut se dérouler dans des locaux autres que ceux de l’entreprise que sur demande du contribuable, sans que cette faculté ne soit ouverte à l’administration (LPF art. L 13, I). Or, l’obligation d’effectuer le contrôle dans les locaux de l’entreprise n’est pas adaptée lorsque la situation ou la configuration des locaux ne permettent pas au vérificateur de conduire les opérations de contrôle dans de bonnes conditions matérielles, ou lorsqu’elle est susceptible de porter atteinte à la sécurité des agents de l’administration.

L’article 23 du projet de loi vise à autoriser l’administration à prendre l’initiative d’une délocalisation du lieu de vérification de comptabilité. Le lieu serait déterminé en accord avec le contribuable ou, à défaut d’accord, le contrôle se déroulerait dans les locaux de l’administration. Cette possibilité est également proposée pour les contrôles, prévus à l’article L 14 A du LPF, de la régularité de la délivrance des reçus, attestations ou tous autres documents par lesquels les organismes sans but lucratif, bénéficiaires de dons et versements, indiquent à un contribuable qu’il est en droit de bénéficier des réductions d’impôt mécénat (CGI art. 200, 238 bis et 978). Ces dispositions s’appliqueraient à compter du 1-1-2024 aux contrôles en cours et aux contrôles engagés à compter de cette même date.

Par ailleurs, le projet propose d’introduire un mécanisme de délégation afin d’assouplir les conditions dans lesquelles des agents des finances publiques peuvent être autorisés à exercer leurs missions de façon anonyme lorsque la révélation de leur identité à une personne déterminée est susceptible, compte tenu des conditions d’exercice de leur mission et des circonstances particulières de la procédure, de mettre en danger leur vie, leur intégrité physique ou celles de leurs proches. Ainsi, le directeur pourrait déléguer sa signature à un agent des finances publiques de catégorie A détenant au moins le grade d’administrateur des finances publiques adjoint ou un grade équivalent. À défaut de précision dans le texte, cette mesure s’appliquerait à compter du 1-1-2024.

 

Assemblée nationale, projet de loi de finances pour 2024, art. 19, 20, 21, 22 et 23.

© Lefebvre Dalloz

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