PLFSS pour 2023 : lutte contre la fraude sociale

Posté le 12 octobre 2022

Travail dissimulé : sanction de la solidarité financière du donneur d’ordre

Les sanctions encourues par les donneurs d’ordre en cas de manquement à leur obligation de vigilance seraient modulées en fonction de la gravité du manquement. Le PLFSS pour 2023 propose que la première sanction du donneur d’ordre non vigilant soit différente de celle appliquée en cas de récidive (PLFSS 2023 art. 6, I-1°et VI).

Rappel.  Le donneur d’ordre qui a recours à un sous-traitant est soumis à une obligation de vigilance (C. trav. art. L 8222-1) : il doit exiger du sous-traitant un document attestant de son immatriculation (extrait K bis ou carte répertoire des métiers)  et une attestation de vigilance, délivrée par l’Urssaf, qui mentionne le nombre de salariés et le total des rémunérations déclaré par le sous-traitant lors de sa dernière échéance et qui atteste son respect des obligations de déclaration et de paiement des charges sociales. À défaut de respecter son obligation de vigilance, le donneur d’ordre est tenu à une solidarité financière : il est solidairement tenu de régler les impôts, taxes, cotisations obligatoires (pénalités et majorations comprises), rémunérations et autres charges de son sous-traitant, si celui-ci a eu recours au travail dissimulé (C. trav. art. L 8222-2). De plus, l’Urssaf annule les exonérations et réductions de cotisations et contributions sociales dont a bénéficié le donneur d’ordre au titre des rémunérations versées à ses salariés sur toute la période pendant laquelle la situation de travail dissimulé a perduré. L’annulation s’applique pour chacun des mois au cours desquels l’obligation de vigilance n’a pas été respectée, sans que son montant global puisse excéder 15 000 € pour une personne physique et 75 000 € pour une personne morale (CSS art. L 133-4-5).

Pour une première sanction. À compter du 1-1-2023, si le donneur d’ordre n’a fait l’objet d’aucune annulation de réductions ou d’exonérations de cotisations ou contributions sociales pour solidarité financière depuis 5 années, la sanction d’annulation encourue resterait plafonnée à 15 000 € pour une personne physique et 75 000 € pour une personne morale. Le plafond d’annulation des réductions ou exonérations de cotisations ou contributions sociales serait même réduit si les montants du redressement de cotisations au titre de la solidarité financière sont inférieurs à 15 000 € pour une personne physique et 75 000 € pour une personne morale. 

En cas de récidive dans les 5 ans, le plafond d’annulation ne s’appliquerait plus. Le montant de l’annulation des réductions ou des exonérations de cotisations ou contributions sociales dont a bénéficié le donneur d’ordre serait fixé à hauteur du montant total des sommes dues à l’Urssaf (aux caisses de MSA pour le secteur agricole ou à la CGSS en outre-mer) au titre du redressement de cotisations pour solidarité financière.

Réduction des majorations de redressement en cas de règlement intégral sous 30 jours. Actuellement, le sous-traitant contrôlé peut bénéficier d’une réduction de 10 points du taux des majorations de redressement pour travail dissimulé (sauf en cas de récidive dans les 5 ans) si, dans un délai de 30 jours à compter de la notification de la mise en demeure, il règle la totalité des cotisations, pénalités et majorations de retard notifiées ou si, dans le même délai, il a présenté un plan d’échelonnement du paiement au directeur de l’organisme et que ce dernier l’a accepté (CSS art. L 243-7-7).

À compter du 1-1-2023, cette réduction de 10 points du taux des majorations de redressement pourrait bénéficier au donneur d’ordre solidairement responsable de son sous-traitant en cas de règlement dans les 30 jours à compter de la notification de la mise en demeure ou de la présentation d’un plan d’échelonnement des paiements dans ce même délai. Cette réduction ne serait pas applicable en cas de nouvelle constatation de travail dissimulé dans les 5 ans (PLFSS 2023 art. 6, I-6° et VI ; CSS art. L 243-7-7, II al. 2 modifié).

Communication de renseignements par les tribunaux de commerce

Les greffiers des tribunaux de commerce seraient autorisés à communiquer aux agents des organismes de protection sociale et de l’État des renseignements et documents recueillis dans l’exercice de leurs missions faisant présumer des fraudes commises en matière de cotisations et contributions sociales ou de prestations sociales (PLFSS 2023 art. 41, I-3° ; CSS art. L 114-16 modifié).

Cette mesure permettrait de détecter plus rapidement certaines fraudes commises via des « sociétés éphémères » (sociétés fictives créées pour servir de support à différents types de fraudes aux finances publiques), et donc d’être collectivement plus réactif dans le traitement de ces fraudes.

Élargissement du droit de communication

Le droit de communication de renseignements détenus par des tiers serait ouvert aux agents de l’Urssaf et de la MSA pour le recouvrement des créances nées après le constat d’une infraction de travail dissimulé. Ces agents pourraient recueillir, sans que leur soit opposé le secret professionnel, des informations sur les soldes des comptes bancaires détenus par les débiteurs pour connaître leur solvabilité (PLFSS 2023 art. 41, I-6° ; CSS art. L 114-19 modifié).

Cette mesure permettrait un alignement des règles applicables sur celles qui prévalent en matière de recouvrement des indus de prestations sociales et en matière fiscale concernant le recouvrement de l’impôt. Elle contribuerait à renforcer l’efficacité financière des contrôles.

À noter. Le réseau des caisses de MSA serait autorisé à procéder à l’interconnexion des données obtenues par le droit de communication non nominatif avec les données dont ce réseau dispose dans son système d’information. Les caisses de MSA bénéficieraient ainsi des mêmes capacités de détection de la fraude et de ciblage des contrôles de travail dissimulé que le réseau des Urssaf pour le régime général, en ayant la possibilité de croiser leurs données avec celles des plateformes numériques.

Pouvoir d’enquête sur internet des agents de contrôle pour la recherche des infractions

Certains agents de contrôle des organismes de la protection sociale et de l’inspection du travail seraient dotés de moyens d’investigation plus adaptés à l’environnement numérique, et en particulier de pouvoirs d’enquête sous pseudonyme sur internet afin de pouvoir établir plus efficacement l’existence de fraudes toujours plus sophistiquées (PLFSS 2023 art. 41, I-7°).

Des prérogatives de police judiciaire. Les agents de contrôle de l’Urssaf et des caisses de la MSA, les agents de l’inspection du travail et les agents de Pôle emploi chargés de la prévention des fraudes, commissionnés par l’organisme qui les emploie, seraient habilités à rechercher et constater les infractions d’escroquerie et de fausses déclarations commises au moyen de communication électronique, lorsqu’elles sont de nature à porter préjudice aux organismes de protection sociale (CSS art. L 114‑22‑3).

Mener des cyber-enquêtes. Pour constater ces fraudes et infractions commises par communication électronique, et lorsque les nécessités de l’enquête le justifient, ces agents pourraient procéder sous pseudonyme aux actes suivants, sans être pénalement responsables :

– participer à des échanges électroniques, y compris avec les personnes susceptibles d’être les auteurs de ces infractions ;
– extraire ou conserver par ce moyen les données sur les personnes susceptibles d’être les auteurs de ces infractions et tout élément de preuve.

Ces agents pourraient également :

– recueillir tout renseignement, toute justification et se faire remettre copie des documents de toute nature, quel que soit leur support et en quelques mains qu’ils se trouvent, nécessaires à l’accomplissement de leur mission ;
– si ces informations sont contenues sur un support informatisé, avoir accès aux logiciels et aux données stockées correspondants, ainsi qu’à la restitution en clair des informations propres à faciliter l’accomplissement de leur mission ;
– en demander la transcription par tout traitement approprié en des documents directement utilisables pour les besoins de leur mission.

Procéder à des auditions. Ces agents pourraient aussi procéder, sur convocation ou sur place, aux auditions de toute personne susceptible d’apporter des éléments utiles à leurs constatations. Ils en dresseraient un procès‑verbal comportant les questions auxquelles il est répondu. Les personnes entendues procèderaient elles‑mêmes à sa lecture, pourraient y faire consigner leurs observations et y apposeraient leur signature.

Les modalités d’application de ces prérogatives devraient être fixées par décret.

Rechercher les infractions de travail illégal commises par communication électronique. Pour constater les seules infractions de travail illégal commises via un moyen de communication électronique, les agents de contrôle de l’inspection du travail spécialement habilités à cet effet (dans des conditions précisées par arrêté conjoint du ministre de la justice et du ministre chargé du travail), les agents de contrôle des organismes de sécurité sociale et des caisses de MSA et les agents de Pôle emploi chargés de la prévention des fraudes pourraient procéder sous pseudonyme aux actes suivants,  sans être pénalement responsables :

participer à des échanges électroniques, y compris avec les personnes susceptibles d’être les auteurs de ces infractions ;
– extraire ou conserver par ce moyen les données sur les personnes susceptibles d’être les auteurs de ces infractions et tout élément de preuve (PLFSS 2023 art. 41, II ; C. trav. art. L 8271-6-5 nouveau).

 

Source : PLFSS pour 2023 n° 274 art. 6 et 41

© Lefebvre Dalloz

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