Qui a droit aux dividendes entre le décès d’un associé et la délivrance du legs de ses parts ?

Posté le 13 novembre 2020

Quelques explications préliminaires

Les ayants droit aux dividendes sont les associés. Cette règle simple peut être source de difficultés en cas de décès d’un associé (ou encore de cession de parts sociales).

Une société civile n’est pas dissoute par le décès d’un associé, mais continue avec ses héritiers ou légataires, sauf si les statuts prévoient qu’ils doivent être agréés par les associés (C. civ. art. 1870, al. 1).

Les héritiers ou légataires qui ne deviennent pas associés n’ont droit qu’à la valeur des parts sociales (C. civ. art. 1870-1, al. 1).

À noter :

  • de façon plus générale, seule la qualité d’associé au jour de la décision de distribution confère donc un droit sur les bénéfices réalisés par la société ;
  • ainsi, en cas de communauté entre époux, si des titres non négociables – en pratique des parts sociales – ont été acquis avec des biens communs, seul l’époux associé a la qualité pour percevoir les dividendes ;
  • une fois la qualité d’associé reconnue, la répartition des bénéfices s’effectue conformément aux statuts. À défaut d’indication statutaire, la part de chaque associé dans les bénéfices est proportionnelle à sa part dans le capital social.

 

Les faits qui ont été soumis à l’appréciation des juges

Un associé d’une société civile immobilière (SCI) désigne par testament ses frères comme légataires particuliers de ses parts sociales.

Après le décès de l’associé, son héritier n’obtient pas l’agrément prévu par les statuts ; il consent à la délivrance des parts sociales léguées, mais il réclame le paiement des dividendes distribués entre le décès et cette délivrance. Il se prévaut de l’article 1014, al. 2 du Code civil, selon lequel le légataire particulier ne peut prétendre aux fruits et intérêts des biens légués qu’à compter de la délivrance.

 

La décision de la Cour de cassation : il faut avoir la qualité d’associé pour percevoir les dividendes

La Cour de cassation rejette la demande.

L’héritier, s’il n’est pas associé, n’a pas qualité pour percevoir les dividendes, même avant la délivrance du legs des parts sociales.

Dans cette affaire, l’héritier, qui n’avait pas été agréé comme associé de la SCI, ne pouvait donc pas prétendre aux dividendes distribués entre le décès de l’associé et la délivrance du legs.

 

Conclusion

Solution dont l’intérêt principal réside dans sa conséquence pratique : ni le légataire particulier ni l’héritier n’a droit aux dividendes distribués entre le décès et la délivrance du legs.

Les dividendes participant de la nature de « fruits » (Cass. com. 28-11-2006 n° 04-17.486 FS-PBIR ; Cass. com.
10-2-2009 n° 07-21.806 FS-PB), le légataire ne peut en effet pas y prétendre avant la délivrance, par application de l’article 1014, al. 2 du Code civil.

Ces dividendes reviennent-ils pour autant à l’héritier ? Le droit aux dividendes appartient à celui qui est associé au jour de la décision de distribuer les bénéfices (Cass. com. 9-6-2004 n° 01-02.356 F-D ; CA Paris
13-3-2012 n° 10/16731). Ainsi, l’ayant droit d’un associé décédé qui n’est pas agréé conformément
aux statuts n’a pas droit aux dividendes après le décès (Cass. com. 14-12-2004 n° 01-10.893 F-PB à propos d’un groupement agricole d’exploitation en commun). Or, en raison à la fois du refus d’agrément et du legs, l’héritier n’était en l’espèce pas devenu associé de la SCI (il était seulement autorisé à participer aux délibérations de l’assemblée générale du groupement).

Dans une telle situation, le légataire particulier de parts sociales a tout intérêt à demander sans tarder la délivrance afin de pouvoir percevoir les dividendes.

  

Source : Cass. 1e civ. 2-9-2020 n° 19-14.604 FS-PB

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