Régulation de l’accès au foncier agricole au travers de structures sociétaires

Posté le 26 décembre 2022

Ce contrôle administratif « vise à favoriser l’installation d’agriculteurs, la conso­lidation d’exploitations agricoles et le renouvellement des générations agricoles en luttant contre la concen­tration excessive des terres et leur accaparement » (C. rur. art. L 333-1).

Opérations et sociétés visées

Est désormais soumise à autorisation préalable du préfet du département toute prise de contrôle d’une société possédant ou exploitant des biens immobi­liers à usage ou à vocation agricole, réalisée par une personne physique ou morale qui détient déjà, direc­tement ou indirectement, en propriété ou en jouis­sance, des biens de même nature dont la superficie totale excède le seuil d’agrandissement significatif ou qui, une fois réalisée la prise de contrôle, détiendrait une superficie totale excédant ce seuil.

Il n’est pas nécessaire que la société cible, dont la forme juridique importe peu (agricole, civile ou com­merciale), ait pour objet social exclusivement l’exploi­tation agricole ou la propriété foncière agricole et que les immeubles agricoles soient prépondérants dans son patrimoine.

Seuil d’agrandissement significatif

Fixé en hectares par le préfet de région (après avis de la chambre régionale d’agriculture), le seuil d’agrandissement significatif est compris entre 1,5 et 3 fois la SAU régionale moyenne fixée dans le schéma directeur régional des exploitations agricoles (Sdera). Si les immeubles agricoles sont situés sur plusieurs dépar­tements, le seuil applicable est celui fixé par le repré­sentant de l’État dans la zone où se trouve la plus grande superficie de terres détenues ou exploitées par la société faisant l’objet de la prise de contrôle.

Le seuil d’agrandissement significatif s’appré­cie en additionnant la superficie de tous les biens immobiliers à usage ou à vocation agricole, toutes productions confondues, que la personne physique exploite ou possède, directement ou indirectement par l’interposition d’une ou de plusieurs personnes morales. De plus, lorsque des biens se caractérisent par des natures de cultures différentes, les équi­valences prévues par le Sdera pour le calcul de ce seuil doivent être respectées.

Ne sont pas comptabilisés les biens immobiliers classés en nature de bois et forêts au cadastre, sauf s’ils sont le support d’une activité agricole ou s’ils ont fait l’objet d’une autorisation de défrichement liée à des activités agricoles.

Lorsque le seuil d’agrandissement significatif est fixé par région naturelle, il est tenu compte des petites régions agricoles délimitées pour les besoins de la statistique agricole. Lorsqu’il est fixé par territoire présentant une cohérence en matière agricole, celle-ci s’apprécie en tenant compte de la spécificité agricole ou de la pratique agricole dominante d’un territoire.

Demande d’autorisation administrative

Il revient à l’acquéreur des parts sociales ou des actions, au moyen desquelles il prend le contrôle de la société, de demander l’autorisation administrative.

La demande d’autorisation comprend :

– une note de présentation de l’opération ;
– l’autorisation ou le refus signifié par le demandeur à la Safer d’accéder aux données nominatives du registre parcellaire graphique et au casier viticole informatisé le concernant ;
– l’identification des sociétés contrôlées par le bénéficiaire de la prise de contrôle, leurs prises de participation ;
– la surface par nature de culture et la localisation de toutes les terres à usage ou à vocation agricole détenues directement ou indirectement, ou exploitées, par le demandeur dans les sociétés qu’il contrôle et la surface totale des biens immobiliers détenus, directement ou indirectement, ou exploités dans les sociétés qu’il contrôle.

C’est la Safer qui instruit la demande (elle mettra en place, au plus tard le 1-1-2023, un portail de télédéclaration pour recevoir les informations déclaratives et les demandes d’autorisation). Elle transmet ensuite la demande d’autorisation au préfet compétent pour décision.

Une publicité de la demande d’autorisation doit être effectuée sur le site internet de la Safer (pendant un mois) dans un délai de 15 jours à compter de la date d’accusé de réception de la demande. Le nom du demandeur, l’objet de la demande, la commune du lieu du siège social ainsi que la superficie totale des terres détenues ou exploitées directement ou indirectement par la société faisant l’objet de la prise de contrôle et par le bénéficiaire de la prise de contrôle, ainsi que la date d’accusé de réception de la demande, doivent être mentionnés.

Toute opération faite en contravention avec ce dispositif est sanctionnée par la nullité du transfert des parts ou des actions.

Suspension par le préfet de la demande d’autorisation d’exploiter

Le préfet de région peut, après avis de la commission départementale d’orientation de l’agriculture (CDAO), suspendre l’opération pour une durée de 8 mois si celle-ci conduit à un agrandissement ou à une concentration excessive. Il doit dans ce cas notifier sa décision aux demandeurs, propriétaires et preneurs en place par lettre recommandée avec accusé de réception ou remise contre récépissé.

Cette décision doit être affichée :

– pendant un mois à la mairie des communes où sont situés les biens objet de la demande d’autorisation d’exploiter ;
– et publiée sur le site internet de la préfecture chargée de l’instruction.

La publicité doit mentionner la localisation et la superficie des biens qui font l’objet de la demande d’autorisation d’exploiter, ainsi que l’identité des propriétaires ou de leurs mandataires et préciser la date d’enregistrement de la demande. 

À l’expiration de ce délai de 8 mois, la demande d’autorisation d’exploiter peut être refusée si un autre candidat à la reprise de l’exploitation ou du bien considéré ou un autre preneur en place s’est manifesté. A défaut, l’autorisation est délivrée au demandeur initial.

Opérations exclues de la demande d’autorisation

L’acquéreur des droits sociaux n’a pas à deman­der d’autorisation pour :

– les acquisitions et rétrocessions réalisées à l’amiable par les Safer ;
– les opérations réalisées à titre gratuit ;
– les cessions de parts sociales ou d’actions entre époux, personnes liées par un Pacs, parents ou alliés jusqu’au 4e degré inclus, à condition que l’ac­quéreur s’engage soit à participer effectivement à l’exploitation des biens agricoles et à conserver la totalité des titres sociaux acquis pendant au moins 9 ans, soit à donner à bail les biens à un locataire qui s’engage à les exploiter pendant au moins 9 ans ;
– les cessions entre associés ou actionnaires déte­nant, depuis au moins 9 ans, des titres de la société et participant effectivement à l’exploitation des immeubles que la société met en valeur. Si la cession des titres fait suite à une maladie ou à un accident entraînant une invalidité totale et défini­tive du cédant qui ne lui permet pas d’exercer une activité agricole, le cessionnaire est exempté de la condition d’ancienneté dans la société.

Entrée en vigueur

La date d’entrée en vigueur de cette loi est échelonnée dans le temps. Elle dépend, pour chaque région, de la date de publication de l’arrêté préfectoral fixant le seuil d’agrandissement significatif.

Par ailleurs, sont seules concernées par ce dispositif d’autorisation les opérations sociétaires dont la date de réalisation est postérieure de plus d’un mois à la date d’entrée en vigueur de l’arrêté fixant le seuil d’agrandissement significatif applicable dans la région.

Loi 2021-1756 du 23-12-2021, JO du 24 ; Décret 2022-1247 du 22-9-2022, JO du 23 ; Décret 2022-1515 du 2-12-2022, JO du 4

© Lefebvre Dalloz

 

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