Rémunération indirecte du dirigeant : absence d’acte anormal de gestion

Posté le 31 octobre 2023

Le bénéfice imposable à l’impôt sur les sociétés (IS) est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l’entreprise, à l’exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion normale. Constitue un acte anormal de gestion l’acte par lequel une entreprise décide de s’appauvrir à des fins étrangères à son intérêt (CGI art. 38 et 209). Il appartient, en règle générale, à l’administration, qui n’a pas à se prononcer sur l’opportunité des choix de gestion opérés par une entreprise, d’établir les faits sur lesquels elle se fonde pour invoquer ce caractère anormal.

La société objet du contentieux, soumise à l’IS, a conclu avec une société prestataire une convention pour la réalisation de ses tâches administratives et financières, le développement de son suivi managérial, de sa politique administrative, l’amélioration de ses méthodes de travail, la mise à jour de ses outils de gestion, la gestion des évolutions légales et administratives, le contrôle de sa gestion comptable et financière, ainsi que la détermination de sa stratégie opérationnelle et de développement. Ces prestations ont été effectuées par le co-gérant de la société prestataire qui exerce également les fonctions de gérant, non rémunérées, de la société objet du contentieux.

Au titre de l’exercice clos en 2013, la société a comptabilisé des charges correspondant à la rémunération de ces prestations. L’administration fiscale a estimé que ladite convention était frappée de nullité en application de l’article 1131 du Code civil dès lors que les missions confiées à la société prestataire relevaient des fonctions mêmes du gérant avec lesquelles elles faisaient double emploi. Elle a ainsi considéré que les charges correspondantes ne pouvaient être admises en déduction dès lors qu’elles résultaient d’un acte anormal de gestion.

Suivant une analyse rigoureuse, la cour administrative d’appel de Marseille a retenu que les prestations réalisées par la société prestataire relevaient des fonctions inhérentes à celles d’un gérant et qu’elle n’a fourni aucune prestation de service distincte des activités qui devaient être déployées par le gérant de la société en cause dans le cadre normal de ses fonctions de gérant. Elle a jugé que l’administration avait établi que les charges comptabilisées au titre des prestations en cause devaient être regardées comme constituant un acte anormal de gestion (CAA Marseille 23-6-2022 n° 19MA04862).

Toutefois, le Conseil d’État ne partage pas la position des juges du fond et écarte la qualification d’acte anormal de gestion.

La conclusion par une société d’une convention de prestations de services avec une autre société pour la réalisation, par le dirigeant de la première, de missions relevant des fonctions inhérentes à celles qui lui sont normalement dévolues ne relève pas d’une gestion commerciale anormale si cette société établit que ses organes sociaux compétents ont entendu en réalité rémunérer indirectement le dirigeant et qu’ainsi ce versement n’est pas dépourvu pour elle de contrepartie. Le choix d’un mode de rémunération indirecte ne caractérise pas en lui-même un appauvrissement à des fins étrangères à son intérêt.

Par ailleurs, l’absence de versement, par une société, d’une rémunération à son dirigeant au cours d’un exercice ne constitue pas une décision de gestion faisant obstacle à la rémunération de ce même dirigeant, sur décision des organes sociaux compétents, au cours d’un exercice postérieur, le cas échéant à titre rétroactif, ou, au cours du même exercice, par l’intermédiaire d’une autre société.

À noter. Comme le relève le rapporteur public, la nullité d’une convention n’implique pas l’existence nécessaire et automatique d’un acte anormal de gestion. Au regard de l’acte anormal de gestion, la rémunération indirecte n’emporte pas appauvrissement d’une société. Au contraire, elle peut même réduire la charge liée à la rémunération des fonctions de direction (notamment grâce à une économie sur le versement de cotisations sociales).

 

CE 4-10-2023 n° 466887
© Lefebvre Dalloz

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