Rupture des relations commerciales : deux actions, un seul objet

Posté le 16 septembre 2020

p>S'il est bien acquis que le principe est celui selon lequel l'effet interruptif de prescription attaché à une demande en justice ne s'étend pas à une seconde demande différente de la première par son objet, il en est tout autant que, par exception l'effet interruptif s'étend d'une action à une autre si ces dernières ont le même but (Soc. 15 juin 1961, Bull. civ. IV, n° 650). C'est sur ce fondement que la chambre commerciale s'est prononcée sur deux actions en dommages et intérêts suite à une rupture de relations commerciales fondées sur l'article 1147 ancien du code civil et sur l'article L. 442-6, I, 5°, ancien du code de commerce (devenu l'art. L. 442-1, II, c. com.).

 

La société Établissements Denis, suite à un différend sur un ouvrage avec la société Hamel, a mis un terme à ses relations commerciales avec cette dernière. Dans le cadre d'une première instance opposant les sociétés au client de l'ouvrage litigieux, la société Hamel avait formé une demande reconventionnelle d'indemnisation de son préjudice commercial, sur le fondement de l'article 1147 ancien du code civil. Cette dernière ayant été rejetée en appel, la société Hamel a alors assigné la société Établissement Denis devant le tribunal de commerce de Bordeaux en paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par la rupture brutale d'une relation commerciale établie, en application de l'article L. 442-6, I, 5°, du code de commerce.

 

Pour la société Hamel cette action est parfaitement recevable au regard d'une éventuelle prescription car la demande reconventionnelle formée devant la précédente instance avait interrompu le délai de prescription. En effet, et comme évoqué précédemment, l'effet interruptif peut s'étendre d'une action en une autre si ces dernières ont le même but. Or la cour d'appel de Paris fait fi de cette analyse en considérant la seconde action comme prescrite. Elle estime, en effet, que l'action en réparation d'un préjudice commercial causé par des manquements contractuels et des actes de dénigrement introduite dans l'instance précédente ne pouvait tendre à la même fin et au même but que la réparation de la marge perdue en raison de l'absence de préavis alloué à la suite de la rupture des relations commerciales. Pour la cour d'appel, ces deux actions présentaient des objets distincts et relevaient donc du principe selon lequel l'effet interruptif de prescription attaché à une demande en justice ne s'étend pas à une seconde demande différente de la première par son objet.

 

Or, la chambre commerciale, saisie par un pourvoi de la société Hamel, ne reprend pas l'analyse de la cour d'appel de Paris. Elle considère, en effet, que l'objet de l'action en justice, définit comme le résultat concret que les parties recherchent en saisissant le juge, est identique dans les deux actions dans la mesure où il s'agit de « la réparation du préjudice résultant de la modification unilatérale des conditions commerciales, éventuellement constitutive d'une rupture, fût-elle seulement partielle, de la relation commerciale unissant les parties ».

  

La chambre commerciale casse donc partiellement l'arrêt de la cour d'appel de Paris en faisant application de l'exception jurisprudentielle bien connue de l'article 2241 du code civil. Il convient donc de considérer que les actions intentées au visa de l'ancien article 1147 du code civil et de l'ancien article L. 442-6, I, 5°, du code de commerce, quoiqu'ayant des causes distinctes, tendent à un seul et même but, à savoir, la réparation d'un préjudice commercial. Ainsi, la deuxième action est virtuellement comprise dans la première, et en conséquence, l'effet interruptif de prescription qui affecte la première action se reporte sur la seconde.

 

Source : Com. 8 juill. 2020, FS-P+B, n° 18-24.441

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