Seul le conseil d’administration peut fixer la rémunération du président d’une SA

Posté le 17 février 2023

Une lettre d’engagement du président-directeur général d’une société anonyme (SA) signée par l’actionnaire de la société prévoit que le dirigeant percevra une rémunération fixe annuelle de 200 000 € et une part variable pouvant aller chaque année jusqu’à 100 000 €. Trois ans après la désignation du dirigeant, la société est transformée en SA à directoire et conseil de surveillance et le dirigeant est nommé président du directoire. Deux ans après, la SA redevient une SA à conseil d’administration et le dirigeant est nommé directeur général.

A la suite de sa révocation, le dirigeant réclame à la société le paiement de la part variable de sa rémunération.

Une cour d’appel accueille sa demande, estimant que le principe de versement de la part variable ne pouvait pas être contesté car il avait été pris à l’initiative de l’actionnaire de la SA et que cette part variable, d’un montant annuel maximal de 100 000 €, devait être déterminé sur la base de critères quantitatifs et qualitatifs définis ultérieurement et être payable un mois après l’approbation des comptes.

La Cour de cassation censure cette décision. En effet, il résulte de l’article L 225-47 du Code de commerce que le conseil d’administration d’une SA a compétence exclusive pour déterminer la rémunération du président et de l’article L 225-63 du même Code que le conseil de surveillance a une compétence exclusive pour déterminer la rémunération des membres du directoire. En conséquence, la cour d’appel ne pouvait pas condamner la société à verser la rémunération variable en se fondant sur la lettre d’engagement, sans avoir constaté l’existence de décisions du conseil d’administration et de surveillance déterminant la rémunération variable du dirigeant dans les conditions de cette lettre.

À noter

En pratique, les présidents, directeurs généraux et les membres du directoire des SA doivent veiller, avant d’accepter leur mandat, à obtenir une délibération du conseil d’administration ou du conseil de surveillance de la société qu’ils seront conduits à diriger fixant leur rémunération. À défaut, ils pourraient être obligés de restituer les sommes irrégulièrement perçues à la société sur le fondement de la répétition de l’indu (Cass. com. 30-11-2004 ; CA Paris 19-5-2015 no 14/02087), pendant cinq ans, durée de la prescription.

La délibération doit être préalable au versement de la première rémunération puisque la décision par laquelle le président s’est alloué une rémunération ne peut pas être ratifiée par le conseil (Cass. com. 30-11-2004 no 1740 ; Cass. com. 31-3-2021 no 19-12.045 F-P). Il a été jugé que ne peuvent tenir lieu de décision formelle et préalable du conseil d’administration exigée dans les SA en matière de fixation de la rémunération ni l’accord de l’actionnaire majoritaire, ni les mentions figurant dans le rapport des commissaires aux comptes relatif aux conventions réglementées, ni le simple rappel de ces conventions figurant dans le procès-verbal du conseil d’administration (CA Paris 19-5-2015 no 14/02087).

De même, n’est pas valable le procédé consistant pour le conseil à déléguer ses pouvoirs à un « comité » chargé de fixer cette rémunération, dans la mesure où les conclusions de ce comité et le montant qu’il a fixé ne font pas ensuite l’objet d’une délibération formelle du conseil, mais sont seulement annexés au procès-verbal d’une décision ultérieure du conseil (Cass. com. 4-7-1995 no 93-17.969 P) ou sont confirmés par le conseil par simple référence à la décision du comité (Cass. com. 11-10-2005 no 02-13.520 F-PB). En sens contraire, une cour d’appel a jugé que, même si elles n’avaient pas fait l’objet d’une autorisation préalable du conseil d’administration, les rémunérations d’un directeur général lui avaient été valablement versées dès lors que les administrateurs en avaient très probablement eu connaissance (CA Paris 3-2-2022 no 20/16711).
Notons enfin que la Cour de cassation précise que, pour être valable, la rémunération variable du dirigeant aurait dû être fixée par une décision du conseil d’administration puis, après le changement de mode de gestion de la société, par une décision du conseil de surveillance. Il en résulte que, même si le dirigeant occupe un nouveau mandat après le changement de mode de direction, sa rémunération ne peut être tacitement reconduite.

Cass. com. 4-1-2023 n° 20-17.658 F-D

© Lefebvre Dalloz

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