Une trésorerie excessive ne constitue pas un bien professionnel exonéré

Posté le 23 juin 2023

Un contribuable imposable à l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) détient des titres dans une société en nom collectif (SNC) ayant le statut de holding animatrice auprès de sa filiale unique. Il considère ces titres comme des biens professionnels exonérés d’ISF. L’administration fiscale remet en cause pour les années 2010 à 2013 la qualification de bien professionnel d’une fraction du portefeuille de valeurs mobilières et des liquidités détenues par la SNC au motif qu’elles ne sont pas nécessaires à l’accomplissement de son objet social. Le contribuable justifie l’importance de cette trésorerie par un projet d’acquisition de locaux destinés à héberger sa filiale.

Dans un arrêt confirmatif, la Cour de cassation considère qu’une partie de la trésorerie et des titres de placement ne constitue pas un bien professionnel exonéré d’ISF. Seule la fraction de la valeur des parts ou actions d’une société correspondant aux éléments du patrimoine social nécessaires à l’activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale de cette société est considérée comme un bien professionnel exonéré (CGI art. 885 O ter alors applicable). Les liquidités et titres de placement inscrits au bilan d’une société sont présumés constituer des actifs nécessaires dès lors que leur acquisition découle de l’activité sociale ou résulte d’apports effectués sur des comptes courants d’associés. L’administration peut renverser cette présomption en démontrant que ces liquidités et titres de placement ne sont pas nécessaires à l’accomplissement de l’objet social. En l’espèce, l’activité de la SNC ne nécessite aucun investissement et ses titres de placement, qui représentent 50 fois le montant de son chiffre d’affaires, constituent un actif qui n’est pas utile à son activité de prestation de services, à ses besoins en trésorerie ou à sa politique de rémunération ou de distribution de dividendes.

La chambre commerciale constate également qu’il n’est pas établi que l’importance de la trésorerie s’inscrit dans un projet d’achat de locaux destinés à héberger les activités de la filiale dans la mesure où cette filiale est locataire depuis 1996 et a renouvelé son bail en 2005. Il n’est justifié d’aucune négociation avec le propriétaire entre 2005 (date à laquelle a débuté la mise en réserve des dividendes) et 2014. L’achat des locaux par la SNC n’est intervenu qu’en septembre 2014, soit après les années d’imposition en cause. En conséquence, la trésorerie et les titres de placement de la société holding ne constituent pas dans leur totalité des actifs nécessaires à son activité professionnelle et seule la fraction nécessaire à son activité peut être considérée comme bien professionnel exonéré.

À noter

1. La chambre commerciale s’est déjà prononcée en ce sens (Cass. com. 6-7-2022 no 19-20.439 F-D).

2. La notion de biens nécessaires à une activité professionnelle apparaît dans la doctrine administrative relative au régime Dutreil-transmission réservé aux entreprises individuelles bien que les dispositions de l’article 787 C du CGI prévoient une exonération pour l’ensemble des biens affectés à l’exploitation de cette entreprise (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-40 no 10). La Cour de cassation s’est pourtant rangée à la position de l’administration en excluant du bénéfice de l’exonération partielle l’excédent de la trésorerie inscrite au bilan d’un exploitant agricole (Cass. com. 9-2-2022 no 20-10.753 F-D). La présente solution paraît donc transposable au régime Dutreil-transmission applicable aux entreprises individuelles.

Elle pourrait en outre présenter un intérêt quant à l’éligibilité de titres de sociétés au régime Dutreil-transmission (CGI art. 787 B) et au risque que son activité soit à prépondérance civile lorsque sa trésorerie représente plus de 50 % de son actif brut (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 no 20). Un changement d’activité en cours d’engagement collectif (ou unilatéral) ou individuel en raison d’une trésorerie devenue excessive entraînerait également la remise en cause du régime de faveur (CGI art. 787 B, c bis). Cette transposabilité vaudrait également pour les sociétés holdings animatrices de leur groupe dont la trésorerie serait supérieure à la valeur des titres de ses filiales (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 no 55).

Cass. com. 11-5-2023 n° 21-15.400 F-B
© Lefebvre Dalloz

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